— Le tripalium, c’était un instrument de torture utilisé par les Romains pour punir les esclaves rebelles et c’est aujourd’hui devenu la racine du mot « travail ». Mais pourquoi, 2 000 ans après, cette description semble toujours correspondre à ce que vivent certains salariés ?
Je m’appelle Christian Esse et je suis manager commercial. Dans ce podcast, j’invite des personnes inspirantes qui ont vécu une belle aventure comme salariés. Elles partagent leurs parcours et ce qu’elles en ont appris, pour vous permettre de trouver et de construire la vie professionnelle à laquelle vous aspirez.
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Bonne écoute !
Aujourd’hui, c’est un épisode un peu particulier. C’est vraiment une grande joie d’accueillir Julien Monnet. C’est une personne avec laquelle on collabore depuis les premiers épisodes de Happy Tripalium. Vous allez comprendre rapidement pourquoi. D’une part, de par sa spécificité et de par l’entreprise qu’il dirige. Et, plutôt que de le présenter moi-même, je vais tout simplement le laisser le faire.
Alors, Julien, qui es-tu ?
— Bonjour Christian ! Donc, merci pour cette opportunité de faire ce podcast. C’est une première pour moi. Je suis Julien Monnet. Je suis Directeur au sein de l’entreprise Delta Process, qui est spécialisée dans l’accessibilité aux personnes sourdes ou malentendantes. Je suis plus précisément Directeur de l’activité Tadeo, qui est une solution qui permet aux personnes sourdes ou malentendantes de pouvoir bénéficier de prestations de transcription, de sous-titrage en temps réel et de visio-interprétation en langue des signes française pour toutes les communications qu’on rencontre dans l’environnement professionnel, c’est-à-dire les appels téléphoniques, les réunions, les visioconférences, les formations. Les personnes sourdes ou malentendantes, dans le cadre de leurs missions, peuvent bénéficier de nos prestations à distance. On a des interprètes, des transcripteurs, des codeurs, experts de leur métier et qui permettent donc à ces personnes d’être totalement autonomes et de pouvoir se concentrer sur leurs compétences, leurs missions au sein de leurs activités professionnelles.
Ça fait 12 ans, si je ne dis pas de bêtises, oui, c’est ça, ça fait 12 ans aujourd’hui que j’ai rejoint l’entreprise, au terme d’un parcours professionnel assez atypique. Je n’étais pas du tout destiné à rejoindre cette entreprise. J’ai même envie de dire que c’est un peu une coïncidence. Ça peut surprendre, parce que je suis moi-même sourd profond de naissance, donc on pourrait penser qu’il y a une forme de cohérence en disant : je suis sourd profond de naissance donc, finalement, c’est assez logique que je rejoigne une entreprise spécialisée dans l’accessibilité aux personnes sourdes, mais en fait, ça ne s’est pas du tout fait de manière logique, si j’ose dire, car je travaillais dans le domaine du sport. Cela a été toujours ma passion. J’ai travaillé dans cet environnement durant une dizaine d’années, avant de prendre un sacré virage sur l’aile et de rejoindre Delta Process fin 2011.
— Qu’est-ce que tu faisais dans le milieu du sport ?
— Alors, pour le coup, ça remonte vraiment à mes études.
J’ai fait des études assez classiques. J’ai d’abord fait un BTS de commerce international. C’était un choix imposé plus qu’autre chose, mais c’était quand même une bonne expérience. Et je ne me sentais pas prêt à rejoindre la vie active tout de suite, donc j’ai enchaîné par une école de commerce qui était un prolongement assez logique. Donc j’ai fait une école de commerce à Rouen, j’ai fait l’ESC Rouen. Ça s’appelait comme ça à l’époque, ça s’appelle Neoma aujourd’hui. Donc j’ai passé quatre ans en Normandie. Et là, pour le coup, dans le milieu universitaire, le sport a une place prépondérante et donc ça tombait bien, parce que je faisais du hockey sur glace depuis que j’avais cinq ans et Rouen est une place forte du hockey sur glace. J’ai pu continuer ma passion là-bas. Et puis, à un moment, je me suis dit que le hockey, j’avais fait un petit peu le tour et c’est là que je me suis fait alpaguer par le bureau des sports de l’école pour que je rejoigne leur équipe de rugby. Le hockey et le rugby sont des sports assez voisins, donc je ne me suis pas trouvé trop isolé, trop perdu dans le rugby. J’ai été très vite adopté et j’ai fait du rugby, ensuite, pendant 15 ans. C’est-à-dire : après l’université j’ai joué en club pendant longtemps et en fait, j’ai arrêté le rugby quand j’ai eu des enfants parce que, pour le coup, c’est très difficile de concilier le rugby le samedi matin avec la troisième mi-temps qui s’ensuit et les enfants à la maison et Madame qui n’est pas contente. Donc c’est pour ça que j’ai fait un choix radical, mais qui s’imposait et que je ne regrette pas.
— (Rires) Ça, c’est sûr, tu aimais bien, d’ailleurs, les sports de combat, parce qu’entre le rugby et le hockey sur glace, il y a un peu de testostérone là (rires).
— En fait, l’histoire est assez sympa. Elle compte beaucoup pour moi parce qu’il se trouve que mon grand-père, avant la Seconde Guerre mondiale, travaillait dans un club parisien qui existe toujours, qui s’appelle le SCUF. D’ailleurs, si tu regardes le bouclier de Brennus, à chaque fois qu’il est donné au vainqueur du championnat Top14, c’est marqué : Bouclier offert par le SCUF. Donc c’est vraiment un des plus anciens clubs de rugby français.
Mon grand-père y jouait pendant l’entre-deux-guerres et c’est pour ça que ma mère – la fille de mon grand-père – voulait vraiment que je me mette au rugby dès le plus jeune âge. Sauf que, quand je suis né, je suis sourd de naissance, donc j’ai été appareillé un peu vers l’âge de neuf ou dix mois et quand on a des appareils auditifs, c’est compliqué de jouer avec sur un terrain de rugby, avec des enfants qui ne sont pas forcément attentifs à ce qu’on porte sur les oreilles. Et donc elle s’est dit : il ne peut pas faire de rugby, mais je vais l’amener à l’école de hockey parce qu’ils ont des casques. C’est pour ça que j’ai fait du hockey pendant 20 ans. Et effectivement, après 20 ans de hockey, la transition vers le rugby s’est faite naturellement et pour mon plus grand bonheur parce que le rugby, pour moi, est vraiment un très, très beau sport, qui porte beaucoup de valeurs, plus que le hockey, même si c’est vain de comparer les sports entre eux. C’est un peu cliché, mais tout le monde a sa place dans une équipe de rugby : un grand maigre, un petit gros, peu importe. Tout le monde a sa valeur ajoutée dans une équipe et c’est toute une équipe qui peut gagner. C’est jamais un seul joueur, le plus doué soit-il, qui pourra faire quoi que ce soit tout seul. Et ça c’est quelque chose qui compte énormément pour moi depuis l’origine, c’est pour ça que le rugby m’a fait beaucoup de bien. Et c’est donc vers la fin de mon école de commerce où je me posais un petit peu des questions sur qu’est-ce que je voulais faire de ma vie professionnelle. J’avais pas du tout de vision à cette époque. C’était une période un peu compliquée aussi pour moi, parce que j’étais aussi dans l’acceptation, dans le processus d’acceptation de mon handicap. J’étais beaucoup dans le déni. Je refusais qu’on m’aide, je voulais m’en sortir tout seul. Donc j’étais assez borné, il faut le dire. Aujourd’hui, je le reconnais parfaitement. Et c’est pour ça, je savais pas trop quoi faire. Et c’est une opportunité, une coïncidence. J’ai été contacté par une startup qui venait de se lancer en 1999. Ça faisait à peine un an qu’elle existait et elle se lançait dans l’internet mobile, c’est-à-dire la diffusion d’informations sportives sur l’internet mobile. L’internet mobile, en 2000 ou 2001, c’est les petits Nokia avec des écrans qui font trois centimètres carrés, avec des informations en caractères noirs et blancs. Aujourd’hui on en rigole, mais il y a 20 ans c’était ça la réalité. Donc on était une startup qui diffusait les résultats des matchs de foot, de rugby, de tennis sur l’internet mobile. Ça s’appelait le WAP à l’époque, pour Wireless Application Protocol, et c’était vraiment un pionnier de l’information sportive sur mobile, entre autres, à l’époque. J’étais responsable de toute la partie contenus, gestion des contenus, des directs, les partenariats qu’on pouvait avoir avec les producteurs de contenus sportifs, entre autres. Donc, très, très tôt, j’étais dans le bain de l’information sportive, en lien avec les sociétés spécialisées, avec les journalistes sportifs, etc. Et c’est au bout de cinq années dans cette startup qu’après j’avais… Au bout de cinq ans, j’avais fait un petit peu le tour, on va dire. C’était le moment pour moi de changer et j’ai été débauché par l’Equipe et plus précisément la filiale multimédia, qui s’appelait l’Equipe 24/24 et qui gérait la chaîne de télévision et le site internet. Donc j’ai été débauché pour développer la partie mobile des contenus de l’Equipe. J’y ai passé six ans.